Lecture commentée et mise en pratique du rituel d’initiation (suite)

Rite Moderne Français Traditionnel

« Révision 2017-04, Édition du 1er septembre 2017 -RÉFÉRENT »

Tenue du 18 décembre 2018

Nous reprenons notre lecture à la page 28 lorsque le Vénérable Maître dit :

Monsieur, le moment approche où les épreuves symboliques de votre initiation vont prendre fin. Nous vous avons fait apercevoir les trois niveaux de la vie humaine : le chaos de la vie grossière, les luttes pour la recherche du bien et de la vérité, le stade supérieur, enfin, de la connaissance de soi et de la compréhension​ ​d'autrui.

Il nous reste cependant à vous communiquer l'enseignement le plus important, qui est : qu'aucun de nous n'atteindra jamais la perfection et que, sur le chemin où vous vous engagez ce soir, vous connaîtrez, comme nous les avons connues, de nombreuses et​ ​cruelles​ ​déceptions.

Le candidat vient de faire les 3 voyages et a subi les 2 épreuves de l’eau et du feu dont la signification évangélique (et non alchimique) et a été mise en valeur précédemment. Il va bientôt prêter son obligation mais auparavant une dernière épreuve l’attend, celle de la coupe d’amertume. La note 34 donne les sources documentaires de cette séquence symbolique. On apprend ainsi que cette épreuve est d’apparition tardive (relativement au XVIIIe siècle) dans les rituels maçonniques et illustre un phénomène souvent observé dans l’élaboration des textes à cette époque. Son origine est à rechercher dans les « hauts grades » et plus précisément dans l’Ecossais trinitaire de Pirlet (années 1760-1770). Ce grade chrétien associe les épreuves de l’eau au 1er voyage, du feu au 2e et du sang au 3e et leurs significations ne fait guère de doute. Cette épreuve subsiste dans le Rite Ecossais Rectifié2. Il n’en reste pas moins que son aspect un peu grandiloquent posa problème et ceci fut accentué encore au XIXe siècle, ce qui ne fut pas toujours du meilleur goût. Si la signification originale chrétienne de l’épreuve du sang est transparente3 (dans notre rituel on peut la voir 1° comme un passage obligé avant le serment -qui va faire du candidat un Maçon- 2° comme la préfiguration symbolique du châtiment auquel il consent en cas de parjure), on peut y ajouter des significations néo-païennes : le nectar décrit dans L’IIlliade ; le fleuve Léthé qui procure l’oubli si l’on boit de son eau (et on voit alors cette épreuve comme l’effacement de sa vie antérieure, physique, avant de s’ouvrir à une nouvelle vie, spirituelle). C’est, en effet à la fin du XVIIIe siècle, que l’on introduit dans les rituels des références aux mystères antiques qui remplacent peu à peu les idées chrétiennes, avant d’être supplantées à leur tour par un fatras d’alchimie de pacotille.

P. 30 « Formez les colonnes ! »

C’est-à-dire la Loge. Aujourd’hui on confond la Loge avec le local qui l’abrite. Ceci n’était pas le cas au début XVIIIe siècle où il n’existait pas encore de locaux maçonniques et où on se réunissait dans des tavernes, des appartements privés etc. A cette époque, la Loge, au sens matériel, c’était le tableau et les Frères formaient la Loge en se réunissant autour de lui. Et lorsque le candidat va prêter son obligation, il entre dans la Loge en marchant dessus.

La « sacralisation » du tableau est récente. Elle vient du fait que l’usage du tableau se perdit en France au cours du XIXe siècle. Lorsqu’il fut rétablit dans les années 1950, sa signification n’apparaissant plus très clairement il devint quasi intouchable.

P. 31. L’Orateur tient un discours moral au candidat sur la Franc-maçonnerie

Il lui dit que plus celle-ci s’éloigne de ses origines et plus elle perd sa signification, et qu’elle se situe à un niveau supérieur aux controverses confessionnelles, politiques ou sociales. Il termine en soulignant un problème bien français : celui d’être connu dans la société comme Franc-maçon. En Angleterre c’est plutôt un sujet de fierté. En France...

P. 32 et suivantes :

Vén. Je la reçois et je vous remercie. Que demandez-vous en échange, Monsieur​ ​N.​ ​?

Cand. La​ ​lumière​ ​!

Il existe 2 traditions pour donner ou rendre la lumière au candidat : avant la prise d’obligation (tradition des Modernes) ou après (tradition des Anciens). Voir la note 37.

L’épée : usage français attesté dès 1737, ignoré en Angleterre.

Les 3 grandes lumières du Rite Moderne Français Traditionnel, c’est la tradition des Modernes. Attention à ne pas confondre les 3 grandes lumières (Soleil, Lune et Maître de la Loge) posées sur des chandeliers et les 3 grandes colonnes (Sagesse, Force et Beauté) qui ne sont pas matérialisées dans la Loge mais représentées par des personnes (le Vénérable Maître, le 1er et le 2e Surveillants)4.

La posture du candidat : genou droit dans l’Equerre (tradition des Modernes). C’est évidemment le gauche dans la tradition des Anciens, pour se différencier. Ce réflexe, banal en Maçonnerie comme ailleurs, relativise les explications pseudo symboliques que d’aucuns veulent bien y trouver.

Le serment. C’est l’élément fondamental de la cérémonie et c’est lui qui fait le Maçon. Notre texte, clairement documenté et attesté (il y a près de 25 notes), représente l’usage moyen au XVIIIe siècle et ne prétend pas remplacer l’immense diversité des usages à une époque où il n’existait pas de rituels imprimés. A noter que le texte du rite anglais est assez proche de celui-ci. - « par ceci » : c’est la main du candidat. - « sur ceci » : c’est l’Evangile de Jean. - les châtiments physiques : même si le serment traditionnel repose sur 3 éléments (l’objet du serment, le témoin du Serment (Dieu) et un châtiment en cas de parjure), la question des châtiments physiques posait problème dès le XVIIIe siècle et l’antimaçonnisme a immédiatement exploité ce thème en prétendant, par exemple, que des crimes maçonniques étaient ainsi commis. En 1778, le Rite Ecossais Rectifié les a supprimés du serment n’en conservant la mention qu’à titre historique. La Grande Loge Unie d’Angleterre fera quasi la même chose en 1986 mais en conserve la mention à titre explicatif des signes.

« Que Dieu me soit en aide » ; ceci est attesté constamment au cours du XVIIIe siècle.

Baiser la Bible est un geste très anglo-saxon. En France il n’est attesté qu’en 1738 (ce qui laisser à penser à une origine anglaise de la divulgation de Hérault). Il n’en sera plus fait mention ensuite peut-être par crainte d’une assimilation abusive au geste du prêtre qui baise l’Evangile au cours de la messe. On veut différencier la Maçonnerie de la religion et on espère aussi éviter les foudres de l’église catholique.

Notes :

  1. Disponible sur l’Intranet de la Franc-maçonnerie Traditionnelle Libre.
  2. Voir le compte-rendu des travaux de la Loge L’Equerre-La tradition Rectifiée du 9 juin 2015 (D&R 53) sur le site de la Franc-maçonnerie Traditionnelle Libre.
  3. « La coupe que m’a donné le Père, ne la boirai-je pas ? » Evangile de Jean, 18, 11.
  4. Sur cette question voir, par exemple les travaux de la Loge Louis de Clermont du 2 décembre 2014 « Les fondamentaux du RFT : aux sources du Rite des « Modernes » en France » sur le site de la Franc-maçonnerie traditionnelle Libre.